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INTERVIEW – Bernard Laporte : « 2023 doit être la plus grande Coupe du monde… du monde »

Le patron de l'ovalie française a répondu aux questions de GRAND!.


Jeudi 24 octobre. L’équipe de France de rugby est éliminée depuis trois jours de la Coupe du monde japonaise. Une déception, un crève-cœur pour des millions de Français, dont Bernard Laporte, président de la Fédération française de rugby (FFR), évidemment. Mais le patron de l’ovalie française n’a pas le temps de se laisser abattre : sa Coupe du monde 2023, en France, commencera dès celle-ci terminée, le 2 novembre. C’est donc sur place, tard dans la soirée nippone, qu’il a répondu aux questions de GRAND!.

GRAND! : Vous êtes en déplacement au Japon pour voir la Coupe du monde de rugby. Qu’est-ce qui vous impressionne ?

Bernard Laporte : Il n’y a rien qui m’impressionne sur l’organisation en elle-même. Quand on y pense, il y a peu de matchs finalement. Mais ce qui est super quand on arrive au stade, c’est qu’on sent vraiment un esprit de fête. On va au spectacle, il n’y a pas de pression. Les Japonais rigolent beaucoup, il y a une superbe ambiance, un super état d’esprit. Ils applaudissent leur équipe, mais ils applaudissent aussi l’équipe adverse quand elle marque un essai.

À quoi ressemble l’organisation « à la japonaise » ?

C’est nickel. C’est strict, c’est organisé, c’est bienveillant, c’est très agréable, jamais un mot plus haut que l’autre… Sur l’accueil lui-même, c’est merveilleux. Je suis très heureux de voir ça au Japon. D’abord, parce que c’est un pays de rugby. Il y a énormément de licenciés (126.000, au 6e rang mondial), un peu moins qu’en France, mais il y en a beaucoup. Ce n’est pas un pays qui a découvert le rugby il y a cinq ans. On y joue depuis longtemps, et cela va même s’accélérer, puisqu’ils vont créer une ligue professionnelle.

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Cela vous inspire pour la Coupe du monde française de 2023 ?

Ah oui, quel état d’esprit ! Convivial, où l’on va chercher du bonheur à un match, on va au spectacle, chercher de la joie.

Comment le reproduire chez nous ?

C’est aussi une affaire de culture. Ce ne sera pas facile à reproduire.

Quelle est votre vraie inspiration pour 2023 ? L’Euro 2016, les JO 2024… ou encore et toujours le Coupe du monde du rugby de 2007 ?

Je ne suis pas partie prenante directe de l’organisation, mais ce que je veux d’abord c’est que les joueurs sortent de cette Coupe du monde en disant : « C’était parfait, c’était nickel, au niveau des transports, au niveau de la sécurité, au niveau de tout. » C’est primordial. Ce sont eux les acteurs. Et s’ils ne sont pas bien, tout le reste en découle. Après il faudra être très accueillant, et on l’a déjà été en 2007. Je le vois ici au Japon, quand tu vas au stade et que tout le monde est très accueillant, tu as une perception saine. Tu te dis : « C’est fabuleux, c’est sympa, on est bien, etc. » Tous les bénévoles engagés, il faudra qu’ils aient ce souci d’être vraiment dans la sympathie avec les gens. C’est clair. Il faut que les gens se disent : « Mais qu’est-ce qu’ils sont sympas ces Français ! Qu’est-ce qu’on mange bien ! qu’est-ce qu’on a pris du plaisir ! » C’est ça notre challenge.

On est obligé de parler de ce fameux clip réalisé pour la candidature 2023, où vous êtes le coach d’une équipe de France fictive des grands événements. D’où vous est venue cette idée ?

Le film est de Philippe Guillard, c’est son idée. Ensuite, il m’a demandé d’être l’acteur. Moi, ça me gênait un peu. Il m’a dit que non, que je devais incarner le président, que j’allais savoir le faire.

« Le 31 octobre, lorsque la World Rugby donne un avis favorable à l’Afrique du sud, un sentiment d’injustice nous gagne… »

Il y a un aspect incroyable dans cette candidature, c’est que vous l’avez remporté contre l’avis de la World Rugby, qui est d’habitude déterminant. Comment avez-vous retourné la situation ?

On a perdu le 31 octobre, à ce moment-là, c’est l’Afrique du Sud qui est N°1. Et là, un sentiment d’injustice nous gagne. Quand on nous disait, par exemple, que le stade et les hôtels n’étaient pas de qualité à Saint-Etienne alors que la France y a accueilli des matchs de l’Euro 2016, c’est scandaleux. Le rugby est au-dessus du football ? Il faut arrêter de rêver. À Saint-Etienne, je le connais par cœur le stade, j’y ai joué avec l’équipe de France contre les Fidji, il a été amélioré, etc. Personnellement, j’adore ce stade. Alors qu’on ne me dise pas qu’il n’est pas prêt, c’est n’importe quoi. On sentait une injustice.

Autre chose : on nous disait « vous êtes trop dur dans la lutte contre le dopage ». Mais on n’est jamais assez dur ! Ça ne peut pas être un critère. Voilà, donc la colère nous a gagné.

Comment avez-vous réussi à inverser la tendance ?

On est reparti, on a continué de faire le tour du monde avec Claude (Atcher, voir interview p. 19) en quinze jours. On a été voir les gens, on a écrit… On ne pouvait pas nous reprocher ça, ce n’était pas possible. Et puis est arrivée l’élection. On avait des réunions à partir du lundi, moi je suis arrivé le dimanche soir. Et je me suis rappelé ce que Tony Blair avait fait (l’ex Premier ministre britannique, très impliqué dans la candidature de Londres aux JO 2012, NDLR). Il faisait monter les mecs dans sa chambre, il parlait avec eux, il expliquait. On a fait de la pédagogie tout simplement.

C’est ce que vous avez fait ?

Je n’ai pas fait monter tout le monde dans ma chambre, mais j’ai expliqué à certaines personnes pour achever de les convaincre, que ce qu’on nous avait reproché n’était pas acceptable. Je pense qu’on a réussi à en retourner certains. L’avis de la World Rugby n’est qu’une recommandation, chacun vote comme il veut. Alors on a bataillé jusqu’au vote le mercredi midi.

La promesse d’importantes retombées économiques et financières a pesé en faveur de la France. Comment comptez-vous faire de 2023 un succès économique ?

Les stades seront encore neufs en 2023, ils ont été refaits pour 2016. Et puis ce sont des grands stades. Nous aurons 2,6 millions de billets à vendre, contre 1,8 million au Japon. C’est 50% de plus parce qu’ils ont des stades à 30.000 places, des petits stades, nous on en a à 60, 70, 80.000 places… Après il faut remplir les matchs avec des équipes moindres ! C’est pour ça qu’il faut créer un engouement, qu’il faut en parler… La notoriété de l’événement fait que les gens vont voir un match de Coupe du monde, même si ce n’est pas les All Black ou les Anglais. Ça avait marché en 2007, ça doit marcher en 2023.

Vous avez vécu 2007 comme sélectionneur, qu’est-ce que vous voudriez améliorer pour 2023 ?

Être sélectionneur ou le vivre de l’intérieur, c’est très différent. Là, au Japon, la France est exclue des demi-finales, je suis dans l’hôtel avec toutes les huiles du rugby, je le vis différemment. Mais quand je dis que j’ai envie que ce soit « la plus grande coupe du monde du monde », ça veut dire qu’il faut une grande équipe de France. On le voit avec les Japonais. Leur Coupe est aussi réussie parce qu’ils sont allés en quart de finale, ils ont créé un engouement considérable. Deuxièmement, je le répète, il faut qu’on soit nickel sur tout. Services aux joueurs, services aux spectateurs… Je ne sais pas si on sera meilleur qu’en 2007, où on était déjà très bon, mais c’est ce qu’il faut viser.

Vous en attendez de grosses retombées pour le rugby français ?

Bien sûr. On l’a vu en 2007, on a eu +20% de licenciés en deux ans. Mais on les a reperdus après. La problématique est là, il faut savoir les garder. Les jeunes vont venir grâce à l’événement, il faut qu’on accompagne nos clubs pour les garder. A partir de janvier, il faut préparer les clubs : « Attention, dans trois ans ça va arriver ! » Soyons capable de les garder, de leur proposer de bonnes compétitions.

« La culture française plaît, c’est évident. On mange bien, le pays est beau ! »

Après avoir fait tant de fois le tour du monde, comment analysez-vous ce savoir-faire français dans l’organisation de grands événements ?

Il faut dire les choses comme elles sont : en France, on mange bien, les filles sont jolies, le pays est beau ! Déjà, on a trois critères considérables qui ne sont pas liés à l’organisation. Ce n’est pas pour rien qu’on est le pays qui a le plus de touristes. Oui, on sait organiser des grands événements, mais on jouit de ça aussi. La culture française, elle plait, c’est évident. Après, dans l’organisation, si je vous dis qu’on est meilleur que les Japonais, ce serait prétentieux.

Le Coupe de 2007 a eu un côté pépinière de talents pour l’organisation de grands événements en France ?

Bien sûr. Il y a eu 1998, mais 2007 a aussi eu un retentissement extraordinaire. Quelqu’un comme Claude Atcher est un professionnel pour les gagner, et un professionnel pour les organiser. C’est très reposant !

Est-ce que vous échangez avec les autres comités d’organisation, comme les JO 2024 ?

J’espère qu’il y aura de l’entraide, on n’est pas là pour se marcher dessus. On est là pour s’accompagner, faire en sorte que ces événements soient deux grands événements.

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