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Connaissez-vous la “French sport touch” ?

Confessions d'une ex-ministre plongée dans le grand bain.


Ministre des Sports entre 2018 et 2022, Roxana Maracineanu fait le bilan de son action au gouvernement et s’attarde sur la « French Touch » des grands événements sportifs qui vise à exporter le savoir-faire des talents français. Interview de la médaillée de Sydney, dans le grand bassin.

Vous avez déjà abordé des grands championnats en tant que sportive, comment avez-vous préparé ceux à venir en tant que ministre ?

En tant qu’ancienne athlète, je suis extrêmement proche des sportifs et des sportives. S’agissant des grands événements à venir, ma priorité est de savoir comment les athlètes vont se préparer, gérer les attentes qui pèseront nécessairement sur leurs épaules en tant qu’athlètes. Nous sommes très attentifs à cela. Nous avons mis en place une cellule chargée de la haute performance au sein de l’Agence nationale du Sport, l’opérateur du ministère, pour leur assurer un accompagnement cousu main dans leur préparation. Cette attention particulière accordée à « l’avant » se traduit également par une anticipation de « l’après », qui pour les athlètes ne doit pas être une source d’inquiétude. J’ai activement travaillé avec les ministères de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur, les chambres des métiers et les entreprises pour qu’ils s’engagent à proposer des contrats aux athlètes pendant la préparation, mais également au cours de la période qui succèdera à l’événement.


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Et en tant qu’ancienne championne, quels sont les points communs dans la façon d’aborder la compétition ?

À titre personnel, c’est vrai que cela se rapproche de ce que j’avais l’habitude de faire pour préparer mes propres compétitions de natation. On a toujours un œil sur le calendrier afin de s’assurer que chaque échéance prévue est bien gérée à temps, afin de ne pas être paralysé par l’inquiétude juste avant l’événement. Un sportif doit se concentrer sur soi, une ministre doit veiller à ce que l’événement soit partagé par toute la population. Avec Tony Estanguet notamment, nous faisons en sorte qu’il y ait une adhésion autour des Jeux afin que nos athlètes se sentent soutenus par toute la population et que les Français se sentent pleinement acteurs de l’événement.

 

Concrètement, comment les territoires français, au-delà de l’Île-de-France, vont-ils bénéficier à long terme de l’organisation des Jeux ?

Nous avons souhaité que le sport rayonne dans des secteurs où il n’a pas l’habitude d’avoir un ancrage. Le sport a d’innombrables vertus pour la santé, l’inclusion, le vivre ensemble. En arrivant au gouvernement, je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas suffisamment de relations entre les différents ministères et le ministère des Sports. Prenons l’exemple de la santé. Le sport était essentiellement considéré pour son pouvoir curatif. J’ai voulu lui donner une autre envergure : utiliser le sport comme un outil de prévention tout au long de la vie, un pilier de la santé publique. Dans le domaine de l’emploi également, je veux que le sport soit reconnu pour sa capacité à insérer des jeunes dans le monde du travail par l’apprentissage, l’accès à des formations diplômantes vers les métiers du sport et de l’animation qui sont en forte tension. Mon autre grand objectif est lié à l’éducation. J’ai voulu renforcer la place du sport dans l’éducation de nos enfants. Cela passe par des liens plus étroits entre les écoles et les clubs. Dès le plus jeune âge, nos enfants vont faire trente minutes d’activité physique par jour en complément des heures d’EPS. La finalité est de faire de la France une nation plus sportive. Ancrer le sport dans le quotidien des Français très tôt et faire en sorte que ce rituel soit préservé tout au long de la vie. .

 

Qu’en est-il de l’héritage social ?

La crise sanitaire a mis en lumière le besoin de sport des Français. Le sport est un droit pour tout le monde, hommes et femmes, sur tous les territoires, et personne ne doit en être privé. Par le sport, nous éduquons aux fondamentaux du vivre ensemble, l’égalité entre les petites filles et les petits garçons par exemple, mais aussi tout ce qui est lié au développement du sport-santé, avec la labellisation de 500 Maisons Sport-Santé, qui permettront de reprendre de l’activité physique en sortie de cancer, après un accident, pour des problèmes de surpoids… Le sport doit aussi permettre d’aider des jeunes en situation de décrochage scolaire ou en difficulté sociale. Nous avons donc mobiliser le système associatif, parle biais de financements, pour que ces jeunes puissent retrouver un parcours d’insertion par le sport.

 

Comment favoriser l’accès de tous les Français au sport ?

Nous avons créé en septembre dernier le Pass’Sport. Cette allocation de rentrée sportive a été pensée comme une mesure de la relance économique pour le secteur associatif mais c’est aussi une mesure qui favorise le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Elle permet une réduction de 50 euros par enfant pour s’inscrire dans un club à tous les bénéficiaires de l’allocation de rentrée scolaire et aux adultes handicapés jusqu’à 30 ans. C’est un moyen de faire sauter le verrou financier de l’accès au sport. Mais encore faut-il qu’il y ait suffisamment d’équipements sportifs pour accueillir ces pratiquants. L’État s’est donc engagé à financer la construction de 5 000 nouveaux terrains de sport de proximité, jusqu’à 80% du coût de l’équipement et 100% en outre-mer. Des city-stades, des dojos, des terrains de padel vont fleurir et offrir des possibilités nouvelles aux associations sportives qui manquent d’espace dans les équipements municipaux classiques. Nous avons décidé de conditionner l’accès à ces financements à la signature d’une convention tripartite entre la collectivité ou l’entreprise qui met à disposition le terrain, l’association sportive qui animera le lieu et une école locale.

 

Dans quelle mesure le sport doit-il véhiculer les valeurs de la France ?

J’ai transformé la gouvernance de nos fédérations sportives par la loi en instaurant la parité dans les instances dirigeantes fédérales dès 2024 au niveau national, en 2028 au plan régional. L’égalité femmehomme a été la grande cause du quinquennat 2017-2022 et cette réforme est majeure pour le monde du sport français. Elle lui permettra de donner plus de place aux femmes, de réinventer son offre à leur attention. Nos valeurs sont aussi l’éducation, l’émancipation, l’inclusion et le respect de l’environnement. Enfin, nos valeurs sont bien évidemment le respect de l’éthique et des droits humains. Avec mes homologues européens, nous avons à deux reprises affirmé que l’attribution des compétitions sportives doit désormais être soumise à des critères de démocratie, de respect de la dignité et de non-discrimination. La France a un rôle moteur dans cette prise de position de l’Union Européenne. Nous affirmons nos valeurs et en sommes fiers. Voilà, c’est tout cela le modèle français.

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