VINCI Immobilier, Eiffage, Bouygues… Les promoteurs changent de braquet
Les grands événements donnent lieu à de profondes transformations et à de multiples innovations urbaines. La prochaine édition des Jeux ne dérogera pas à la règle et s'inscrira dans la même ligne que l'Exposition Universelle de Dubaï : la fabrique de la ville durable.
VINCI Immobilier amplifie le recyclage urbain
Universeine à Saint-Denis (© Kreaction)
«Universeine est une opération emblématique de notre savoir-faire en matière de recyclage urbain à plusieurs titres. » Première dimension illustrant les propos de Virginie Leroy, directrice générale adjointe Aménagement et Grands projets urbains jusqu’en mars 2022 chez VINCI Immobilier (désormais directrice générale immobilier résidentiel et des régions au sein du groupe) : la dépollution et la désartificialisation. Localisée à proximité immédiate de la Cité du Cinéma et du futur hub de Pleyel à Saint-Denis, l’opération prend place sur une ancienne friche industrielle de 6,4 hectares. « Nous avons dépollué le site qui était en outre fortement imperméabilisé », se remémore Virginie Leroy. « Et nous réhabilitons deux bâtiments emblématiques du patrimoine industriel du début du XXe siècle : une ancienne centrale thermique EDF baptisée la Halle Maxwell et le Pavillon Copernic qui hébergeait les services administratifs de la centrale. » En parallèle, VINCI Immobilier procède à la renaturation du site en végétalisant largement non seulement les jardins en coeur d’îlot, mais également les terrasses des bâtiments. Un effort qui s’accompagne d’un souci de réintroduction de la biodiversité en ville avec la constitution d’un « corridor écologique » permettant de reconstituer des habitats destinés à la faune et à la flore locale, en capitalisant sur la Seine comme réservoir écologique. L’adaptation au changement climatique figurant également au rang des priorités du promoteur, tous les espaces verts ont été imaginés pour contribuer à la lutte contre les îlots de chaleur urbains et être pérennes à l’horizon 2050. Les jardins de pleine terre permettront la plantation d’arbres qui, associés aux dispositifs de rétention des eaux pluviales, deviendront de véritables îlots de fraîcheur, des « oasis urbaines » au service des habitants. Les nouveaux bâtiments ne seront pas en reste.
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Un démonstrateur XXL en matière de flexibilité des usages
Conçus selon des principes bioclimatiques, les immeubles visent en effet un bilan carbone inférieur de 40 % à celui de bâtiments conventionnels, six ans avant l’échéance 2030 définie par l’Accord de Paris. « Nous avons choisi les matériaux en conséquence : bois, béton bas carbone et ultra bas carbone, lequel sera utilisé pour la première fois à l’échelle d’un bâtiment », souligne Virginie Leroy. La conception architecturale privilégiera quant à elle l’éclairage naturel et l’ensoleillement ; tous les bâtiments seront raccordés à un réseau urbain de chaud et de froid alimenté par géothermie ; et des panneaux photovoltaïques seront posés sur les toitures en complément des surfaces végétalisées.
Poussant les curseurs du recyclage urbain au maximum, VINCI Immobilier a d’ores et déjà anticipé la seconde vie du quartier . D’ici 2024, Universeine proposera 6 000 lits et 33 000 m² d’espaces de services et de travail. Les bâtiments seront ensuite reconvertis en 65 000 m² de logements (libres, sociaux, étudiants), 56 400 m² de bureaux et 3 400 m² de commerces et locaux d’activités après l’événement sportif. « C’est la première fois que nous concevons des immeubles aussi flexibles dans le temps, capables de s’adapter sur 30 à 40 ans », constate-t-elle. « Et 75 % des matériaux des ouvrages, durant les événements sportifs, pourront être réemployés ou recyclés prioritairement dans les bâtiments du nouveau quartier ». Virginie Leroy conclut : « Véritable booster en matière d’innovation dans le recyclage urbain, Universeine irriguera nos réflexions sur nos autres projets de réhabilitation industrielle comme Le Magasin Général de Saint- Pierre-des-Corps par exemple ». Le changement d’échelle est en marche pour VINCI Immobilier qui vise la zéro artificialisation nette dès 2030.
Eiffage, entre modèle éprouvé et nouveaux concepts reproductibles
Une partie du village des athlètes (© Doug Wolf)
Le modèle constructeur-promoteur d’Eiffage fait encore ses preuves. Eiffage Immobilier et Eiffage Construction ont remporté un projet recouvrant environ 53 000 m2 de surface de plancher à Saint-Ouen-sur-Seine, dans le cadre du groupement avec Nexity, CDC Habitat, Groupama et EDF. Un travail main dans la main qui a commencé dès la phase des études de conception et qui se poursuit dans l’optimisation des modes constructifs permettant la réversibilité des bâtiments.
« Nous avons cherché la simplicité et l’efficacité, de sorte que la phase de réversibilité des bâtiments durera entre neuf et onze mois seulement », précise Laurent Blanc, directeur opérationnel chez Eiffage Immobilier. En parallèle, le challenge environnemental de l’opération sera relevé grâce à l’intervention combinée de la direction du développement durable et de l’innovation transverse du groupe ainsi que des équipes d’Eiffage Construction : mix bois français et béton bas carbone dans les structures des bâtiments, déploiement d’un pilotage énergétique intelligent, production d’énergie photovoltaïque en toiture et stockage par batterie zinc-air sur certains bâtiments, aménagement de 20 % de pleine terre plantée, recours systématique au réemploi des matériaux et des produits avant puis après 2024… « En actionnant ces différents leviers, nous allons ériger un objet urbain vertueux qui doit être reproductible à moindre échelle dans d’autres opérations », observe Laurent Blanc.
En quête des innovations transposables
« Nous avons déposé des ATEx (Appréciations techniques d’expérimentation) qui seront utilisées dans les différents projets d’envergure que nous proposerons aux villes, voire dans le cadre de projets d’aménagement », poursuit le directeur opérationnel d’Eiffage Immobilier. Et pour cause : toutes les innovations envisagées par le groupe dans le cadre de cette opération sont éprouvées à l’aune de la réalité. « Aujourd’hui, nous savons que le recours à l’isolation en laine de bois est duplicable sur d’autres chantiers, donc nous l’utiliserons dans le cadre du chantier à Saint-Ouen-sur-Seine. À l’inverse, nous avons exploré pendant six mois la possibilité de faire de même avec le béton de chanvre, mais nous avons été confrontés aux règles de construction et à une filière insuffisamment structurée et mature pour envisager une utilisation répétitive pérenne », détaille Laurent Blanc.
Il conclut : « Si nous n’appliquons pas stricto sensu les modèles développés à Saint-Ouen-sur-Seine au sein de nos opérations, nous reprendrons sans nul doute certains aspects qui seront reproductibles. Et nous n’attendrons pas 2024 pour le faire, car les innovations développées seront transposables pendant 3-4 ans avant de potentiellement devenir obsolètes en raison des évolutions rapides du marché ». Les Jeux constitueront donc un tremplin et non une fin en soi pour Eiffage.
Bouygues signe deux équipements sportifs structurants et durables
L’Arena Porte de la Chapelle (©SCAU-NP2F)
Le groupe Bouygues déploie actuellement tout son savoir-faire durable en construisant le centre aquatique de Saint-Denis et l’Arena Porte de la Chapelle à Paris XVIII. Le premier sera réalisé à partir de bois issu de forêts gérées durablement pour structurer l’ensemble de la charpente et de la toiture de la halle du bassin avec des façades vitrées doublées de brise-soleil extérieurs. Il sera composé de plus de 1 200 tonnes de matériaux biosourcés. Au-delà de l’architecture, la conception sera bioclimatique pour réduire la consommation énergétique et l’empreinte carbone du bâtiment. L’optimisation du volume chauffé sera ainsi assurée par exemple par la ligne concave de la toiture, dont la surface sera une centrale photovoltaïque. L’équipement aura vocation à terme à accueillir le grand public et les scolaires ainsi que des événements sportifs d’envergure internationale. Une ambition partagée avec l’Arena Porte de la Chapelle, également conçue et construite par le groupe Bouygues. Côté environnemental, du coton recyclé sera utilisé pour l’isolation de la grande salle et 30 % des bétons utilisés pour la construction seront issus de filières bas carbone. Les murs en périphérie du hall d’accueil seront eux réalisés en briques de terre crue compressée issues des déblais du Grand Paris Express tandis que les sièges des gradins de la grande salle seront en plastique recyclé réalisés en partenariat avec une entreprise issue de l’économie sociale et solidaire. Sans oublier la végétalisation de 6 000 m2 de toiture.