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Mipim : dans les coulisses du véritable festival de Cannes

Avec le Mipim, le palais des Festivals accueille chaque année une manifestation dont l’importance économique dépasse celle du festival du film.


Chaque année en mars, un évènement majeur s’installe au Palais des Festivals de Cannes. Ni stars de cinéma, ni robes de cocktails à l’horizon, l’ambiance est plus aux complets croisés et aux gros contrats. Bienvenue au Mipim, le plus grand salon international des professionnels de l’immobilier, premier salon cannois de l’année où se rencontrent les décideurs qui feront les villes de demain, promoteurs, urbanistes, architectes, et maires des plus grandes mégalopoles.

C’est la sortie de l’hiver, la ville se réveille, les prix des chambres d’hôtels s’envolent, et les plus chanceux ouvrent la saison des fêtes sur les yachts…

Tous ont bloqué la date des mois en avance, et n’ont pas hésité à payer entre 1200 et 2000 euros pour accéder à ce salon exclusif, réservé aux professionnels. Prohibitif ? En 2019, la 30e édition a accueilli quelques 26.800 participants venus d’une centaine de pays, une fréquentation record. Il faut dire que le prix du billet est finalement dérisoire compte tenu de ce qui se décide dans ces allées… Cette année, pour la première fois, une délégation ministérielle britannique est venue pour rassurer les investisseurs du monde entier, alors que le « no deal » toujours.

Une visite qui prend des airs de consécration, tant le Mipim s’est imposé comme un rendez-vous majeur de la mondialisation, à tel point qu’on le surnomme volontiers le « Davos de l’immobilier ». « Créé à l’époque de la chute du mur de Berlin, point de départ d’une internationalisation du marché, le salon a bénéficié d’un timing parfait. Seul salon immobilier international au monde, son positionnement unique a ensuite fidélisé les visiteurs et fait du MIPIM un évènement incontournable », confie à GRAND! Filippo Rean, Directeur de la division immobilier de Reed MIDEM, poids lourd français de l’événementiel qui chapeaute notamment le MIPIM.

300 millions d’euros de retombées économiques pour Cannes

Plus discret que le Festival du film de Cannes, le Mipim a un impact sur l’économie locale est au moins aussi fort, pour ne pas dire plus. Selon Tourmag, les retombées économiques locales des événements Reed Midem avoisinent 300 millions d’euros, quand le Mipim représente au moins la moitié de cette activité, en quatre jours seulement. Il faut près de quinze jours au Festival de Cannes pour générer des retombées estimées à 197 millions en 2017…

Souvent mis en avant dans les médias, nombre des projets « fous » qui fleurissent aux quatre coins du monde sont présentés au Mipim. Cette année, on a pu par exemple découvrir la cinquième extension de la Cour de Justice de l’Union européenne au Luxembourg ou le premier lieu de vie « vertical et intelligent » de Montréal, baptisé Humaniti.

Mais le salon est surtout le lieu d’échange et de discussion sur les grands enjeux de l’immobilier. Pour sa 30ème édition, le Mipim s’est penché sur l’intégration des nouvelles technologies et l’évolution des comportements humains qui transforment la nature de l’immobilier, ou les préoccupations environnementales dans un contexte de changement climatique et de prise en compte du développement durable.

Pour suivre ces débats et discussions, mieux vaut avoir le temps : « Le programme ambitionne de faire un bilan de l’année écoulée, de préparer celles à venir. Ces dernières années, il a aussi voulu porter des engagements, réunissant les décideurs autour de challenges tels que la diversité ou le renouvellement générationnel dans le monde immobilier par exemple », souligne Filippo Rean. Pour lui, « la fabrique de la ville a de plus en plus besoin des nouvelles connaissances et du regard différent des acteurs de la tech. Cette approche totalement neuve est très prometteuse pour le monde de l’immobilier et pour les habitants des villes. »

Ban Ki-moon pour le discours d’ouverture

Pour ses participants, ce salon est l’occasion de sortir la tête des dossiers pour embrasser une vision plus complète du monde. Cette année, Ban Ki-moon, ancien secrétaire général des Nations Unies, a joué le rôle de « guest star ». Son message : il faut prendre en compte le changement climatique et les bouleversements économiques mondiaux dans les relations internationales. L’immobilier doit être en première ligne du combat pour le développement durable, à cause des pressions croissantes qui pèsent sur l’accès à l’énergie et à l’eau. « Tant que nous continuerons à avancer de manière responsable et sensée, il n’y a absolument aucune limite à ce que nous pouvons accomplir », a conclu Ban Ki-moon.

Des milliards d’investissements 

Mais pour beaucoup de participants, le « gros » du salon se joue en coulisses, à l’abri des micros. Pour Xavier Mahieu, Directeur Général Pôle Transaction de Colliers International France, on se rend au MIPIM pour « essayer de faire de grandes opérations, des deals, et de les concrétiser ensuite ». Grâce à « une concentration de compétences et de personnes qu’on n’a pas l’habitude de voir en France », il sert à comprendre comment fonctionnent d’autres marchés, dans d’autres pays. Un véritable raccourci pour accéder aux marchés internationaux.

Pour Filippo Rean, le MIPIM est ainsi le speed dating annuel du monde immobilier : « A Cannes les participants, loin de leurs bureaux et du quotidien, sont disponibles et ouverts aux idées nouvelles. Ils ne « concluent » pas au MIPIM, ils nouent des contacts, font des rencontres qui déboucheront parfois sur des projets majeurs. D’innombrables contrats, totalisant des milliards d’euros d’investissement, y sont nés ! ».

Moment fort de cette édition, le sommet « Re-invest », réunissant les plus importants investisseurs institutionnels internationaux, a permis de débattre du rendement des actifs et de la gestion des risques dans l’immobilier. Pour tous les participants, le monde de l’immobilier doit relever un double défi : la réduction des consommations énergétiques et des émissions de gaz à effet de serre, et le renforcement de la cohésion sociale, alors qu’une part croissante de la population va se concentrer dans les villes.

Les « Mipim Awards », honorant les projets les plus innovants et aboutis, ont cette année notamment récompensé le projet des Mille Arbres parisiens dans la catégorie « meilleur projet futur », ou encore le nouveau siège du cabinet d’avocats Gide à Paris, conçu par l’architecte Philippe Chiambaretta, prix du « meilleur centre d’affaires ».

Un concept en perpétuelle évolution

Reed MIDEM, organisateur de la manifestation, a réussi en trois décennies à faire chaque année de Cannes la vitrine de l’industrie immobilière internationale. Et l’organisateur a rempilé pour 10 ans en 2014, préférant la Croisette aux autres villes de la méditerranée portées candidates.

Fondée à Lyon en 1963, la « maison mère » est spécialisée dans l’organisation des marchés professionnels et internationaux, et propose déjà de nombreux évènements de référence dans de nombreux secteurs. A commencer par la manifestation qui porte son nom, le MIDEM, dédiée aux professionnels de la musique qui se tient également sur la croisette. Citons également le MipTV, MipJunior, ou encore des événements dédiés à l’immobilier commercial comme Mapic et ses déclinaisons Mapic Italy, India, Russia, China… Reed Midem a aussi exporté son savoir-faire, en matière d’organisation de grands évènements internationaux et d’immobilier, en créant le MIPIM Asia à Hong Kong, le MIPIM UK à Londres… Elle a enfin su évoluer avec les attentes des professionnels avec le MIPIM PropTech Europe à Paris (condensé de property technology), qui regroupe les acteurs des nouvelles technologies appliquées à la pierre (intelligence artificielle, Cloud, blockchain). Dès 2017, MIPIM PropTech Europe attirait 1 000 entreprises de 40 pays, et de nombreuses startups pour imaginer le monde de demain.

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