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« Le Puy du Fou surfe sur la même vague de fond que Game of Thrones »

Pour GRAND!, Nicolas de Villiers revient sur le modèle unique du Puy du Fou.


A 40 ans, Nicolas de Villiers, le fils du Président du Mouvement pour la France, est à la tête d’un parc à thème de 2 millions de visiteurs par an, plusieurs fois élu « meilleur parc au monde », qui revisite les grands événements de l’Histoire. Pour GRAND!, il revient sur son modèle.

 

GRAND! : Vous venez d’ouvrir le Puy du Fou à Tolède, vous préparez un autre parc en Chine pour 2025 : vous étiez à l’étroit en France ?

Nicolas de Villiers : Depuis des années, des gens venaient nous voir de Pologne, du Brésil, d’un peu partout dans le monde, et nous disaient « je voudrais que vous célébriez l’âme du peuple Polonais, Brésilien, etc., sur le modèle du Puy du Fou… » Face à ces demandes en croissance, il fallait que nous réfléchissions aux moyens d’exporter notre modèle artistique, de répondre à l’appel des autres peuples. Après tout, pourquoi seul le peuple français y aurait droit ? D’autres pays ont une grande histoire, un patrimoine fabuleux à célébrer. Nous avons lancé l’aventure internationale dans cette démarche-là.

 

Vous conseillez des parcs dans le monde entier, vous avez remporté plusieurs fois un « Oscar » de la profession à Los Angeles… Que l’Histoire (du monde) soit un domaine où la France excelle, c’est une belle consécration ?

Oui, si l’on peut poursuivre notre développement international de tel sorte que l’on soit considérés comme un fleuron qui fait rayonner la France, ce serait formidable. Notre joie ce n’est pas seulement d’être un fleuron français, mais de montrer au Français qui perdent espoir en notre pays que la France a encore de belles choses à offrir au monde. C’est aussi cela la mission du Puy du Fou.

 

Si l’on rembobine un peu, le Puy du Fou, c’est l’histoire d’un spectacle associatif devenu l’une des attractions les plus visitées de France. Quelle est votre recette pour voir les choses en grand ?

Je crois que l’on ne peut pas voir les choses en grand sans retrouver l’esprit de l’enfance. D’abord parce que lorsqu’on est un enfant, on a l’insouciance, cette faculté de ne pas prendre en compte les obstacles qui peuvent se dresser sur le chemin de son rêve. Quand on devient un adulte, on ne peut pas y arriver. Il faut penser avec le bon sens et l’audace de l’enfance. (Enfant, Nicolas de Villiers a démarré comme figurant dans les bras de sa mère, puis cavalier dans les spectacles du Puy du Fou, ndlr)

 

Comment le mettez-vous en application au Puy du Fou ?

Quand on veut raconter l’histoire, par exemple, de Jean-François de la Pérouse, un navigateur que peu de Français connaissent, on se demande : que nous inspire cette aventure romanesque et comment allons-nous en faire un spectacle ? Le lien entre les deux, on le trouve en retrouvant notre âme d’enfant. Qu’est-ce qu’un enfant s’imaginerait ? Il voudrait être avec lui, dans son navire du XVIIIe siècle ! Mais ça, l’adulte ne peut pas le concevoir, alors que l’enfant le voit naturellement. Et c’est comme ça que nous imaginons un spectacle que le visiteur peut vivre à l’intérieur même du navire. À chaque fois que nous créons un spectacle, nous cherchons à redevenir l’enfant que nous avons été.

 

C’est souvent plus facile à dire qu’à faire, non ?

Je me suis rendu compte que les gens qui ont des difficultés à créer ou qui créent des choses trop conceptuelles, sont des gens qui sont enfermés dans leur peau d’adulte. Ils n’arrivent plus à créer, parce qu’ils sont des adultes.

 

Loin de Paris, sur une thématique histoire de France pas simple, le Puy du Fou partait de loin. Comment avez-vous fait de ce handicap un point fort ?

Nous avons toujours cru en notre intuition, et jamais au marché. La plupart des entreprises suivent le marché, qui leur dicte la direction à prendre. Au Puy du Fou, nous pensons que c’est une erreur de fonctionner comme ça. Nous ne suivons pas le marché, nous le précédons.

 

Quel est votre secret alors pour tourner le dos au marché ?

En suivant notre intuition, car c’est elle peut vous emmener hors des sentiers battus. On nous disait « l’Histoire c’est ringard, ça embêtera tout le monde » : nous avons choisi l’Histoire. On nous disait « les parcs c’est nécessairement du factice » : nous avons fait de l’authentique. On nous a dit « les gens ne reviendront pas voir les spectacles, ils les verront une fois, au contraire des manèges des parcs classiques » : erreur, nous avons le taux de fidélité le plus haut dans l’univers des parcs. Nous avons inventé un modèle qui n’est pas un parc. Le Puy du Fou, ce n’est pas un parc. C’est une immersion dans le « légendaire ».

 

Et cela répond à une véritable attente ?

Nous surfons – consciemment aujourd’hui mais inconsciemment au départ – sur une vague de fond très puissante qui est la même vague qui porte les grands succès du Seigneur des Anneaux, de Game of Thrones, de Harry Potter, et de tout l’heroic fantasy qui présente une vision fantasmée d’une époque passée. Il y a une véritable nostalgie, qui nous ramène à nos racines, à la nature. On le voit très clairement dans la société aujourd’hui, avec des thématiques comme le rejet des pesticides par exemple.

 

Comment cela se traduit au Puy du Fou ?

Nous proposons des retrouvailles avec notre histoire, avec un équilibre harmonieux entre l’homme et la nature. La façon dont nous concevons nos spectacles en France et en Espagne, c’est toujours en nous intégrant à la nature. Un responsable de célèbre parc d’attraction européen me disait récemment lors d’une visite « Que d’arbres, que d’arbres ! Chez nous quand il y a un arbre qui pousse comme ça, on le coupe ou on le déplace, pour ne pas qu’il gêne la vue ». Nous pensons le contraire, ce sont les structures humaines qui doivent s’adapter à la nature.

 

Et ça marche ! Pourquoi selon vous ?

Je crois, d’abord, parce que c’est spectaculaire. Nos spectacles provoquent une émotion que l’on peut partager entre amis ou en famille, quels que soient les âges. On ne coupe pas la famille en morceau, les spectacles sont vécus ensemble et accessibles à tous. Le Puy du Fou, c’est d’abord une émotion partagée. Nos spectacles font vibrer en chacun un imaginaire en commun, qui donne le sentiment à tous d’une appartenance à une communauté, une civilisation. Le Puy du Fou invite par l’esthétique de ses spectacles et par la beauté de ses histoires, à mesurer combien nous avons de choses à partager.

 

L’histoire de France, c’est le bon vecteur pour partager ces émotions ?

L’Histoire est une formidable source d’inspiration. Nous sommes des artistes qui regardons la part lumineuse de l’Histoire. C’est l’occasion pour le visiteur de ressortir avec le cœur plein d’espérance en l’homme. Nous allons chercher dans l’Histoire les personnages exemplaires, hommes et femmes dignes d’admiration, nous permettant de trouver en eux des exemples pour nos propres vies. Il y a des belles choses dans l’être humain ! Nous en faisons la preuve par l’Histoire.

 

Au-delà des spectacles, vous êtes donc porteurs d’un vrai message…

C’est ça le Puy du Fou : chacun a en soi quelque chose de grand, et cette grandeur, cette beauté qui est en vous, pour vous la prouver, nous allons vous raconter l’histoire des personnes qui ont su trouver leur propre grandeur et leur propre beauté. Au-delà du spectaculaire et de l’émotion, il y a plus profondément le sentiment de redécouvrir la part lumineuse de l’homme.

 

Vous êtes aussi porteur de toute une économie locale, régionale. C’est une source de fierté ?

Bien sûr ! C’est une fierté de pouvoir être la locomotive de toute une économie. Mais plus que l’aspect économique, nous sommes encore plus fiers d’être l’emblème de la région. Lorsqu’ils voyagent, les Vendéens disent « je suis de la région du Puy du Fou » ! Nous sommes portés par ce sentiment d’affection que la région nous porte, mais c’est une fierté réciproque, car les gens sont fiers du Puy du Fou autant que le Puy du Fou est fier d’eux.

 EN CHIFFRES

  • 2,3 millions de visiteurs par an (2018)
  • 112M€ de chiffre d’affaires (2018)
  • 500 millions d’euros investis depuis la création
  • 244 permanents
  • 1900 saisonniers
  • 4150 bénévoles à La Cinéscénie, plus grand spectacle nocturne au monde
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