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Comment Sodexo a fait de Paris sa vitrine de luxe

Tour Eiffel, Lido… Le géant de la restauration veut montrer son savoir-faire dans le haut de gamme et conquérir de nouveaux marchés.


Homard breton à la russe, truffe noire et feuille d’or. Cèpe, frivolité croustillante et canard au sel fumé. Volaille de Bresse cuite en cocotte. Avouez que le menu de cette cantine Sodexo fait envie. Car oui cela peut surprendre mais ces plats sont bien servis dans un établissement géré par le géant de la restauration collective. Et pas n’importe lequel puisqu’il s’agit du prestigieux Jules Verne, le restaurant gastronomique qui offre la plus belle vue sur Paris du deuxième étage de la tour Eiffel. C’est à l’été 2018 que  Sodexo a remporté l’appel d’offres pour la gestion du restaurant face au groupe Elior.

Un gros coup pour la société fondée en 1966 à Marseille par Pierre Bellon et qui était plus connue jusqu’à présent pour ses saucisses/purée de cantine que pour son homard breton, sa truffe noire et son Champagne millésimé.

Sodexo a bataillé ferme pour gagner la tour Eiffel. Elle a préparé son dossier durant deux ans avec une équipe de 100 personnes et s’est adjoint les services de deux grands chefs étoilés : Frédéric Anton, Meilleur Ouvrier de France et Thierry Marx, chef star de l’émission Top Chef. Ce sont eux qui ont concocté la carte du nouveau Jules Verne et de la Brasserie du premier étage.

Et pour gagner le contrat, Sodexo a mis les moyens. La compagnie a investi pas moins de 25 millions d’euros pour donner un coup de neuf aux établissements de la tour Eiffel. Le Jules Verne donc mais aussi le bar à champagne du troisième étage, les buvettes et la brasserie 58. La compagnie envisage de faire croître de 35% le chiffre d’affaires de ces établissements d’ici 10 ans. Et ce sans augmenter les prix qui sont déjà assez élevés pour un restaurant, même gastronomique. Il faut effectivement compter 190 euros le menu dégustation 5 plats et 230 euros pour le 7 plats.

18 établissements de luxe

Pour parvenir à son objectif, la compagnie va donc devoir séduire plus de clients en augmentant sa capacité d’accueil. Mais les restaurants vont aussi multiplier les formules avec une offre de petit déjeuner dès 7h30 ou un service de dîner qui débutera à 18h.

Et la Tour Eiffel n’est qu’un joyau de plus sur la couronne que la compagnie de restauration est en train de se constituer à Paris. Du cabaret parisien des Champs-Elysées Le Lido aux croisières de luxe sur la Seine (Yachts de Paris, Bateaux Parisiens) en passant par l’hippodrome de Vincennes, Roland Garros, le traiteur Lenôtre ou le Centre National de Football de Clairefontaine, le géant français de la restauration s’est constitué ces dernières années un portefeuille de restaurants et lieux prestigieux à Paris. Il gère aujourd’hui 18 établissements de luxe ainsi qu’une flotte de près de 30 bateaux qui sillonnent la Seine. A coups d’acquisitions ou de contrats de concession remportés, le géant français nourrit chaque année des millions de touristes.

L’objectif de la compagnie : faire de la capitale française la vitrine de son savoir-faire. Avec la main mise sur Paris, la place forte mondiale de la gastronomie, Sodexo compte convaincre les élus, les responsables de lieux de loisirs (musées, croisiéristes…), d’enceintes sportives ou les organisateurs d’événements de lui confier leur restauration.

« Cette année, notre collection de sites dédiés aux événements et séminaires Lieux et Evénements Prestige Sodexo » se voit enrichie de deux nouveaux business center parisiens, explique à GRAND! Franck Chanevas, Directeur Général Sodexo Sports et Loisirs France et Espagne

Nous continuons aussi à nous renforcer dans le domaine des destinations culturelles avec le renouvellement du contrat des espaces de restauration du Musée del Prado à Madrid pour les 5 prochaines années, ainsi que celui du Petit Palais à Paris, dont la carte du restaurant sera signée par la Cheffe Amandine Chaignot au mois de mai prochain ».

Créée en 1996, la branche Sodexo Sport et Loisirs n’a cessé de croître avec le temps. Si avec 1,7 milliard d’euros de chiffre d’affaires dans le monde, elle ne représente aujourd’hui qu’une petite partie de l’empire (20,7 milliards d’euros), c’est elle qui contribue le plus à l’image de Sodexo en France et à l’international.

Carte de Sodexo à Paris (crédit: Mr Vinti)
Carte de Sodexo à Paris (crédit: Mr Vinti)

Des stades américains aux cantines marseillaises

Et c’est à l’international que le restaurateur a marqué les esprits récemment. Sodexo s’est offert fin 2017 pour 675 millions de dollars l’américain Centerplate. Le Français est ainsi devenu le numéro 1 aux États-Unis dans les stades, aquariums, champs de courses et autres musées. Au CES de Las Vegas par exemple, le grand salon mondial de la high-tech c’est Sodexo qui régale. Et la compagnie compte aussi des clients prestigieux sur l’ensemble de la planète. Que ce soit au Royaume-Uni (stade du club d’Everton à Liverpool, Royal Theatre de Bath…), en Espagne (stade de l’Atletico Madrid, musée du Prado) ou sur des événements internationaux comme le Tour de France, la Coupe du monde de rugby ou les Jeux. Avec le rachat de l’américain, le groupe français a ainsi doublé son chiffre d’affaires dans ce secteur d’activité.

Un savoir-faire que la firme met aussi en avant pour remporter des marchés de cantines plus modestes. En 2016, Sodexo a ainsi lancé son offre de restaurants d’entreprises haut de gamme. Baptisée 360, l’offre premium propose ainsi des fromages au lait cru, des produits du terroir, du bio et des menus végétariens. Ainsi à la cantine du cabinet d’audit KPMG à la Défense qui a choisi l’offre de Sodexo, les saucisses de la choucroute viennent d’Alsace et non plus de Bretagne, et les diots de Savoie. Les fruits et les légumes sont le plus possible de saison et pour un tiers issus d’un approvisionnement local.

Même ambition pour les enfants, puisque Sodexo veut redorer le blason de la « cantoche ». La compagnie a ainsi renouvelé en 2018 l’énorme contrat des écoles de la ville de Marseille. Elle prépare 50.000 repas par jour pour les élèves des 444 écoles de la deuxième ville de France. Pour l’emporter, Sodexo s’est ainsi engagé à proposer une offre 50% en bio et se fournir en grande partie auprès de producteurs locaux. Sodexo propose ainsi une race de pomme de terre de Salon-de-Provence développé avec l’Inra qui ne s’écrase pas quand elle est réchauffée. On est loin du homard breton de la Tour Eiffel, mais les élèves apprécient.

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