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Ce projet grandiose veut déringardiser les « Champs »

Délaissés des Parisiens, englués dans la circulation, les Champs-Elysées ont entamé une mue impressionnante. Objectif : se refaire une beauté d’ici les JO de 2024.


« Le génie des Champs-Elysées, c’est la promenade, or le XXe siècle a renversé cet ADN d’origine pour en faire la plus grosse autoroute de Paris intra-muros ». Ce mercredi d’avril, face à la trentaine de journalistes venus découvrir son projet de réenchantement de l’avenue, l’architecte Philippe Chiambaretta fait un constat sans appel. « Ce ne sont pas quelques retouches qui vont répondre à la transformation dont les Champs-Elysées ont besoin », prévient de son côté Jean-Noël Reinhardt, président du comité des Champs-Elysées, l’association à l’origine de ce projet, qui réunit les principaux acteurs économiques de l’avenue.

Autoproclamés « plus belle avenue du monde », les très touristiques Champs-Elysées, qui accueillent 100.000 visiteurs par jours en moyenne, sont jugés « bruyants », « artificiels », voire « dangereux » par les Franciliens, d’après une étude réalisée par l’Ifop au début de l’année 2019. Symbole de Paris, l’avenue est en fait délaissée des Parisiens : ils sont seulement 16% à la considérer comme « source de fierté ».

Plus polluée que le périphérique 130 jours par an, traversée quotidiennement par 64.000 voitures, l’avenue a grand besoin « qu’on s’occupe d’elle, préconise Jean-Noël Reinhardt. Les champs doivent être apaisés, l’esprit de la promenade doit être réintroduit » pour redonner aux lieux leur ambition initiale, celle de la vie et du divertissement. Objectif : être prêt pour 2024. « Après 25 ans d’inertie, il est temps d’agir et de redonner à cette avenue mythique un joli rôle. D’autant que durant les Jeux olympiques, les Champs-Élysées seront inévitablement sur le devant de la scène médiatique », note le président.

“Durant les “jeux”, les Champs-Elysées seront inévitablement sur le devant de la scène”

L’avenue se doit d’attirer autant les Parisiens que les touristes. C’est le sens des travaux de l’architecte qui envisage un passage de deux fois quatre voies à deux fois deux voies pour les voitures, « avec une réduction de la chaussée aux heures des repas et la piétonnisation totale tous les week-ends et pourquoi pas tout le mois d’août ». Le but : refaire des « Champs » une zone de promenade et de flânerie, et prendre en compte vélos, voitures électriques ou trottinettes. L’espace libéré laissera la végétation reprendre ses droits, et former des voûtes d’arbres, et même des « salons végétaux » sur les trottoirs ensoleillés. Après tout, n’est-ce pas un paysagiste – André Le Nôtre sous l’impulsion de Louis XIV – qui a tracé l’axe au départ de la place de la Concorde ? Le long des Champs-Elysées, « quinze hectares de jardins s’étalent, mais accueillent vingt fois moins de promeneurs qu’au parc Monceau, qui ne fait que huit hectare », pointe l’architecte. Cela pourrait bien changer dans les prochaines années.

Philippe Chiambaretta est allé jusqu’à redessiner la place de l’Étoile, elle aussi en proie aux automobiles. Selon la saison, l’Arc de Triomphe pourrait ainsi être entouré d’une… plage en été, et pourquoi pas d’une patinoire géante en hiver. Le reste de l’année, la place serait aménagée en jardins ou encore en marché aux fleurs. De quoi redonner des envies de promenades aux Parisiens et de ne plus jamais confondre les Champs-Elysées avec une autoroute.

Depuis quelques mois, les Champs-Elysées ont entamé leur mue. En bas de l’avenue, le Grand Palais s’est engagé dans une rénovation complète, en vue d’accueillir deux épreuves des jeux olympiques de 2024. Et depuis quelques mois, on ne compte plus les ouvertures de de nouvelles enseignes de renommée mondiale. Adidas s’étale maintenant sur 4000 mètres carrés à hauteur du rond-point. Son concurrent historique, Nike, va lui emboîter le pas et ouvrir à son tour un « flagship » au 69 en remontant l’avenue. Les maillots de sport côtoieront un escalier Chambord à double volute inscrit au Monuments historiques, au sein d’un magasin qui s’étendra sur 4300 mètres carrés. Son rooftop, lui, offre une vue majestueuse sur Paris. L’avenue, jusqu’ici symbole du « mass market » remonte la pente du premium, comme lorsqu’Apple a inauguré en 2018 son plus grand magasin de France au 114, immeuble historique de l’avenue.

À quelques dizaines de mètres, l’îlot du numéro 50 est en train de se transformer en hôtel Sofitel cinq étoiles. Au sommet de cet immeuble haussmanien de 20.000 mètres carrés, on a déjà prévu une piscine à débordement… L’hôtel aura pour voisin Chanel et les nouvelles galeries Lafayette, qui viennent de remplacer l’ancien Virgin Megastore, enseigne quasi légendaire des « Champs ». Un « concept store » résolument moderne, imaginé par Philippe Chiambaretta, qui s’étale sur quatre niveaux. Ici, le mobilier a été spécialement conçu pour accueillir 650 marques « tendances » et 10 à 15.000 visiteurs par jour…

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