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Ils ont trouvé l’arme anti-gaspillage pour les grands événements

Dans le sillage des grandes manifestations sportives ou culturelles, l’association Le Chaînon Manquant fonctionne en flux tendu afin de redistribuer le jour même les repas non consommés.


Dans le sillage des grandes manifestations sportives ou culturelles, l’association Le Chaînon Manquant fonctionne en flux tendu afin de redistribuer le jour même les repas non consommés. Un savoir-faire logistique unique, qui permet d’allier responsabilité environnementale et engagement social.

Il y en a toujours trop. Normal, quel hôte digne de ce nom laisserait un invité sur sa faim ? Il n’empêche qu’à la fin du buffet, le gaspillage alimentaire est devenu une véritable plaie pour les pros de l’événementiel.

Pour y couper, les grands événements intègrent la lutte contre le gaspillage dans leur cahier des charges. Mais comment réaliser concrètement cet engagement, lorsqu’il s’agit de milliers de repas frais qui doivent être consommés presqu’aussitôt ? En France, la start-up Phénix met par exemple en relation distributeurs et associations. Les bénévoles de l’association Le Chaînon Manquant ont eux aussi décidé de relever le défi, impliquant à leurs côtés entreprises d’événementiel, traiteurs et restaurateurs.

 « De ceux qui ont trop à ceux qui ont besoin »

Un tiers de la nourriture produite dans le monde est soit perdue (faute de moyens de conservation et stockage adéquats), soit jetée. Rien qu’en France, 10 millions de tonnes d’aliments sont jetés chaque année ! À cet enjeu environnemental majeur, car produire de la nourriture consomme des ressources naturelles importantes et génère des activités parfois polluantes, s’ajoute une réelle injustice sociale, puisque 6 millions de personnes dans notre pays vivent dans une situation d’insécurité alimentaire, c’est-à-dire ne peuvent se nourrir selon leurs besoins. « D’un côté les poubelles débordent, de l’autre les frigos sont vides ! », résume Valérie de Margerie, Présidente du Chaînon Manquant, qu’elle a cofondé en 2014.

15.000 repas redistribués à Roland Garros en 2014, une première

Dans ce combat contre le gaspillage et la précarité, il existe des solutions historiques, telles que les banques alimentaires, « mais il manquait un dispositif complémentaire plus local et plus réactif, adapté aux produits frais, d’où notre nom ». En cinq ans, la structure – qui emploie 5 personnes et rassemble 250 bénévoles – a su convaincre des géants de l’événementiel, de la distribution et, plus récemment, de la restauration collective. « Notre toute première action, c’était Roland Garros en 2014, avec le soutien de la FFT et de la Mairie de Paris : nous avons redistribué 15.000 repas ! », se souvient Valérie de Margerie.

Des camions réfrigérés et des bénévoles très matinaux !

Pendant les Internationaux de France, justement, ils sont 2 ou 3 bénévoles à monter dans le camion dès 6h30 chaque jour, direction la Porte d’Auteuil. Commence alors le circuit de collecte dans les sous-sols de Roland Garros : il est 7h15, et il s’agit de trouver le bon interlocuteur, compter les produits non consommés la veille à emporter, vérifier leur température et leur aspect général (flux tendu oblige, il n’y aura pas de tri plus tard), et signer le bordereau de collecte. Rempli par le restaurateur lors du stockage en chambre froide, ce document recense les produits (salades, sandwiches, petits fours…) ainsi que leur poids et date limite de consommation. Mais surtout, il matérialise le transfert de responsabilité.

Le chargement livré, le camion enchaîne aussitôt avec les cantines d’entreprise

Le camion doit avoir quitté l’enceinte du tournoi avant l’arrivée des premiers spectateurs, au plus tard à 8h20. La tournée de livraison commence alors dans la foulée – en général, deux associations bénéficiaires (qui viennent en aide aux personnes en situation de précarité) sont déjà prévenues, et d’autres sont contactées le jour même, si la collecte se révèle plus importante que prévu. « Nous connaissons très bien les 60 associations avec lesquelles nous travaillons, affirme Valérie de Margerie. On sait quelles quantités on peut proposer, quelles sont les restrictions alimentaires, qui a une chambre froide ou de quoi réchauffer sur place ». A 13 heures, l’ensemble du chargement a été livré, et le camion enchaîne aussitôt avec les cantines d’entreprise, pour redistribuer avant le dîner.

Une logistique aux petits oignons qui permet d’offrir 160.000 repas par an. Au départ, le caractère saisonnier des événements avait rapidement mis en évidence une certaine discontinuité dans l’action du Chaînon Manquant. « Les bénéficiaires étaient ravis d’avoir des produits frais et de qualité, mais au bout de quelques jours on disparaissait… ». C’est ainsi que l’association s’est rapprochée de lieux actifs toute l’année, tels que l’AccorHotels Arena et d’autres, ce qui lui permet de fonctionner quasiment tous les jours.

Objectif 2024 !

D’une initiative née d’une poignée de volontaires, la lutte contre le gaspillage alimentaire des réceptions a fait son entrée dans les appels d’offre, dans la Charte des événements écoresponsables de la Ville de Paris ou du Ministère des Sports par exemple. Juste retour des choses, Le Chaînon Manquant est de plus en plus sollicité, pour le plus grand plaisir de la Présidente : « L’essentiel est que l’action soit très bien préparée en amont, pour collecter efficacement sans gêner les équipes de restauration et pour respecter la chaîne du froid. Le reste, on s’en occupe ! ».

Présente en région parisienne, à Lyon et, depuis peu, à Bordeaux, l’association partage de nombreuses valeurs avec le monde du sport, et s’est tout naturellement reconnue dans les objectifs d’ESS 2024. Cette plateforme entend insérer les acteurs de l’économie sociale et solidaire dans l’aventure des Jeux de Paris, l’occasion de placer le plus grand événement sportif au monde sous le signe de la solidarité. Trouver une place dans ce dispositif serait une magnifique manière pour Le Chaînon Manquant de fêter ses 10 ans…

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