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Ces cercles « selects » font rimer rugby avec business

Il n’y pas que le foot qui sait marier sport et business. Depuis les débuts de la professionnalisation, le « rugbusiness » n’a cessé de monter en puissance, ralliant de nombreuses figures à lui. Reportage au cercle du Rugby Club, au cœur de Paris.


Sur le comptoir, quelques exemplaires des Échos du jour, le quotidien de référence des affaires, mais on cherchera en vain les pages jaunies du « Midol », le Midi Olympique, la revue de référence de l’ovalie. Tout près, assis dans de larges fauteuils en cuir, deux hommes discutent à voix basse d’une stratégie « très ROIste »… Bienvenue au Rugby Club, 165 boulevard Haussmann, Paris, haut lieu de ce qu’il est convenu d’appeler le « rugbusiness », ces cercles de chefs d’entreprises passionnés du ballon ovale.

De l’extérieur, il faut avoir l’œil pour repérer la simple plaque qui signale son entrée. Les grandes vitrines sont garnies de rideaux blancs légers, offrant à ses occupants la discrétion et le confort d’un club d’inspiration anglaise, où se croisent les quelques 300 membres de ce cercle des fondus de rugby.

Attention, il ne s’agit pas d’un simple pub. Pour y siroter une pinte devant un match du XV de France, il faut être parrainé par l’un de ses membres, régler 1200 euros de droit d’entrée et une cotisation annuelle de 550 euros. Étonnant ? Disons que le Rugby Club a été fondé en 2007 par des stars du CAC 40, tels que Claude Bébéar (Axa), Henri Lachmann (Schneider Electric), Jean-René Fourtou (Vivendi), et le regretté Serge Kampf (Capgemini), décédé en 2016, mais aussi des grands noms du rugby, comme Serge Blanco, Jean-Pierre Rives, Max Guazzini et Bernard Laporte. En faire partie, c’est l’assurance d’appartenir à un cercle de « gens bien », comme le résume Bruno Rambaud, vice-président du club et dirigeant de la société digitale SELL, tandis que Jean-Louis Garnier, président de Generali, assure la présidence. En faire partie, c’est une ligne de plus sur le CV qui peut peser lourd.

Une aubaine, dont il ne faut pas abuser sous peine d’être mal vu. « Évidemment, c’est très CSP++, on est tous dans les affaires, mais cela ne doit pas être un club de distribution de cartes de visite », avertit Bruno Rambaud. A bon entendeur… Ici, pas question de cultiver l’image du réseau professionnel select, ce sont les valeurs de l’Ovalie qui prévalent. Président ou ministre, tout le monde est invité à se tutoyer. Quant au temps fort de cette petite communauté, la « soirée des fondateurs » qui a lieu tous les premiers mercredis du mois, elle réunit généralement une centaine de personnes autour de personnalités du monde du rugby : président de club de D2 ou du Top 14, joueurs en activité ou à la retraite, etc. « Bon vin, bonne bouffe, de 19 heures à minuit, les gens ne viennent pas avec un truc à vendre, ce n’est pas du networking de bas étage », confirme Louis Raverdy, directeur des opérations du Rugby Club. Et au risque de se sentir un peu seul, il vaut mieux être capable de citer d’autres joueurs que Chabal ou Vahaamahina…

Évidemment, la tentation est grande, même pour ceux qui ne jurent que par les tricotages de Neymar. Car l’influence des réseaux rugby parmi les patrons est une réalité qui peut ouvrir bien des portes prestigieuses. Dans la traine des fondateurs du Rugby Club, et de la professionnalisation croissante du secteur, de nombreuses figures éminentes des affaires se sont rapprochées du rugby. Ainsi, depuis juillet 2018, le Medef est dirigé par un fan notoire, Geoffroy Roux de Bézieux. Et ces dernières années, on a pris l’habitude d’apercevoir dans les tribunes du Tournoi des VI Nations des visages comme ceux de Jean-Marc Pailhol, directeur du marketing et de la distribution du groupe Allianz, Nicolas Moreau, patron de la gestion d’actifs d’HSBC, Laurent Mignon, président du directoire de BPCE, Jean-François Palus, directeur général délégué de Kering, Olivier Brousse, PDG du groupe Saur, Jean-Bernard Lévy, PDG d’EDF, ou encore Simon Gillham, directeur de la communication de Vivendi. Didier Michaud-Daniel, directeur général de Bureau Veritas, est lui-même un ancien deuxième ligne…

Dans son dernier classement des 20 réseaux français les plus influents, le magazine Challenges a placé pas moins de trois cercles rugby. Sport & Entreprise (ex Entreprise & Rugby), le plus fréquemment cité, fédère 500 chefs d’entreprise sur le thème du sport. Chaque mois, un dîner de membres est organisé dans les salons de l’Hôtel Le Bristol à Paris autour d’interventions d’invités d’honneur, parmi lesquels Fabien Pelous, Mourad Boudjellal, Bernard Laporte… Cette fois, il faut un parrain et s’acquitter de 550 euros de frais d’inscription et une cotisation annuelle de 2875 euros. Les deux grands clubs parisiens sont les deux autres cercles rugby reconnus. Le Racing club de France héberge le fameux Racing Metro 92 (Top 14), sous la houlette de Jacky Lorenzetti, grand rival du Stade Français.

Nul doute que ces réseaux de l’Ovalie vont être fortement sollicités d’ici la Coupe du monde française de 2023…

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